© IOM 2022/Joseph Dück

Une courte prière d'ouverture communément appelée Fatiha et quelques battements de tendés, un tambour traditionnel touareg, marquent le début du festival Bianou à Agadez. Le son de l'imzad, la vièle traditionnelle à une corde de la musique berbère touareg, perce les cœurs et les âmes à travers la ville désertique d'Agadez.

La chaleur intense et la poussière soulevée par la foule ne tempèrent pas la ferveur des festivités qui ont attiré des personnes de tous âges.

Dans un défilé, les guerriers exhibent fièrement leurs tenues, leurs armes, leurs lances et leurs cannes, toutes ornées du cuir traditionnel. Avec leurs turbans en forme d'accordéon, les chevaliers montent les plus beaux chevaux de la région.  

Située au nord du Niger, entre le Sahara et le Sahel, la région d'Agadez célèbre chaque année le festival du Bianou. C'est l'un des plus grands festivals du pays. Célébré depuis le Moyen Âge dans la région, le Bianou coïncide avec l'Achoura, un événement religieux de l'Islam pour commémorer le premier mois de l'année dans le calendrier musulman.

Frontalière de l'Algérie, de la Libye, du Mali et du Tchad, la région d'Agadez se caractérise par un fort mélange de différents groupes culturels, tant par les différentes ethnies qui la composent que par sa position géographique, qui en fait un carrefour migratoire pour de nombreuses personnes d'Afrique subsaharienne qui tentent de rejoindre l'Afrique du Nord ou qui en reviennent.

Les festivités, qui se sont déroulées cette année sur trois jours, ont été l'occasion pour toutes les communautés de se réunir, de tisser des liens et de célébrer les traditions et le patrimoine locaux.

« De nombreux Agadeziens reviennent au pays pour célébrer le Bianou, quel que soit l'endroit où ils se trouvent. C'est une fête de fraternité, de convivialité, où toutes les communautés se retrouvent autour des festivaliers et des caravanes qui traversent toute la ville », explique Abdourahmane Elhadji Touraoua, le maire d'Agadez.

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Aujourd'hui, ce festival redonne vie à la ville d'Agadez, qui était autrefois une destination prisée des touristes.

Le Sultan de l'Aïr, gardien de la culture et de la tradition à Agadez, est à la tête du festival du Bianou. Ensemble, les autorités locales et régionales et les leaders communautaires saisissent cette occasion pour promouvoir la cohésion sociale entre les différentes communautés.

"Nous nous engageons de plus en plus dans l'organisation du festival pour le rendre plus grand et toucher plus de monde. Il y a eu plusieurs innovations, comme les sessions de formation que nous avons commencé à organiser pendant le festival sur la culture d'Agadez, sur les bons comportements, et sur la tolérance pour sensibiliser à la coexistence pacifique entre les différents groupes", ajoute le maire.

« Agadez est une plaque tournante de la migration. Ces dernières années, elle a démontré son hospitalité à l'égard de divers migrants, y compris les plus vulnérables qui se sont retrouvés bloqués sur leur parcours migratoire. Cette qualité a contribué de manière significative à la résilience de la région, qui fait face à de nombreux défis migratoires », déclare Barbara Rijks, cheffe de mission de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) au Niger. « Le festival de Bianou, comme de nombreux autres événements dans la région, symbolise cette hospitalité et l'esprit d'unité et de prospérité partagée pour un avenir meilleur. »

En plus de promouvoir la cohésion sociale, le festival dynamise également l'artisanat local qui fait la renommée de la région d'Agadez, ainsi que les opportunités d'emploi et d'entrepreneuriat qui peuvent contribuer au développement économique de la région.

« Nous organisons également des foires et des expositions pendant le festival. Quatre-vingt-dix-huit pour cent des produits qui composent les décorations et les vêtements des festivaliers sont faits à la main ; les tambours, les lances, les costumes, les épées, les chaussures. Tout est fabriqué localement », précise le maire.

Comme les années précédentes, le comité de pilotage a veillé à la participation des différentes communautés au festival d'Agadez.

Tigato, un migrant libérien, faisait partie d'un groupe de 40 migrants du centre de transit de l'OIM à Agadez et de la ville qui ont pris part aux festivités. Pendant deux jours, vêtus de tenues de fête traditionnelles, de turbans, de chaussures et de décorations en cuir, les migrants en transit se sont immergés dans la culture agadezienne.

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« Nous étions enthousiastes à l'idée de participer au festival. Les communautés étaient très accueillantes, et nous avons participé à l'euphorie de la fête. Les migrants ont été très fêtés, et les gens nous ont intégrés », raconte Tigato.

« Nous avons même eu l'occasion de rencontrer le Sultan de l'Aïr. Nous entendions souvent parler de lui, mais nous ne l'avions jamais vu et le voir en personne et pouvoir lui parler était une expérience unique. C'était une expérience formidable, et je prie pour que de telles initiatives se poursuivent et que les migrants puissent participer à des événements similaires à l'avenir », ajoute-t-il.

Le groupe de quarante migrants a également été invité à une audience personnelle avec le Sultan de l'Aïr dans sa résidence. Cette invitation a été suivie d'un déjeuner à la municipalité, un repas partagé avec les autorités locales et régionales, les représentants des femmes et des jeunes, et les leaders communautaires.

« Nous avons mangé ensemble, nous avons échangé, et beaucoup ont oublié qu'ils n'étaient pas chez eux. L'unité, la fraternité et l'amour des uns pour les autres ont été exprimés, ce qui a ému les participants. Les migrants se sont sentis intégrés dans la communauté d'Agadez. Ils ont compris qu'ils étaient considérés au même titre que les habitants d'Agadez », déclare le maire.

Aujourd'hui, la ville d'Agadez relève le défi d'étendre ce festival pour faire de la ville une destination touristique et culturelle mondiale où chacun peut se sentir Agadezien, quelle que soit son origine.

L'OIM a soutenu l'organisation du festival de Bianou par le biais de son programme de stabilisation communautaire (CS), financé par le Fonds fiduciaire de l'Union européenne pour l'Afrique. Le programme CS soutient la résilience des communautés d'accueil le long des routes migratoires en renforçant la cohésion sociale, les moyens de subsistance et l'accès aux services publics.

Écrit par Aïssatou Sy, responsable de l'information publique à l'OIM Niger.