Histoire
By:
  • Aïssatou SY | Responsable de l'information publique à l'OIM Niger.

L'autoroute reliant la région de Diffa du Niger au nord-est du Nigeria est jalonnée d'abris de fortune, notamment sur l’axe Diffa-Gueskerou. Les abris hébergent des milliers de personnes déplacées qui ont dû fuir leurs foyers pour leur sécurité. Située dans la zone du bassin du lac Tchad de la région de Diffa, la commune de Gueskerou est sujette à des attaques d'organisations extrémistes violentes depuis 2015, entraînant des déplacements massifs de communautés.

Le site de Gueskerou, situé près de l'autoroute à 35 kilomètres de la ville de Diffa, abrite plus de 15 000 personnes déplacées et réfugiés nigérians. Le site se trouve à seulement quatre kilomètres de leurs anciens villages, situés sur les rives de la Komadougou Yobé, une rivière tributaire du lac Tchad.

Boulama Loukouye, le chef de l'un des villages qui ont trouvé refuge dans ce site, se souvient de la nuit où ils ont quitté leurs foyers.

Boulama, le chef d'un des villages du site de Gueskerou pour les personnes déplacées. OIM/Aïssatou SY

"Nous avons quitté le vendredi 24 octobre 2019, chassés par l’eau, juste après la prière", raconte-t-il.

Cette nuit, la rivière Komadougou Yobé est sortie de son lit et a débordé dans les villages voisins de Boulama, emportant maisons et biens personnels. Les habitants en détresse ont quitté les villages dans la soirée pour se réfugier sur des terres plus élevées, sur le site de Gueskerou.

Le site de Gueskerou, situé près de l'autoroute à 35 kilomètres de la ville de Diffa, abrite plus de 15 000 personnes déplacées et réfugiés nigérians. OIM/Aïssatou SY

"Quand nous sommes arrivés sur le site, il n'y avait rien", dit Boulama. "Les femmes devaient parcourir des dizaines de kilomètres pour aller chercher de l'eau. Certaines organisations nous ont apporté de l'eau, mais ce n'était pas suffisant", ajoute-t-il.

En décembre 2022, le site a inauguré un forage et un système d'eau pour couvrir les besoins des populations déplacées. Huit fontaines publiques ont été installées dans les villages, ainsi que deux nouvelles fontaines dans l’école et le centre de santé du site. Étant donné que le site se situe dans un couloir de transhumance, quatre points d'eau ont été installés pour répondre aux besoins des populations nomades.

"Dieu merci, nous avons maintenant ce grand forage, un trésor, qui nous fournit suffisamment d'eau. Nous n'avons plus soif", dit Boulama.

Des femmes cherchent de l'eau aux fontaines publiques du site de Gueskerou pour les personnes déplacées. OIM/Aïssatou SY

Le nouveau système d'adduction d'eau fournit de l'eau potable à la population et contribue à améliorer l'hygiène et l'assainissement et à réduire les maladies telles que la diarrhée. L’installation permet également de résoudre les conflits autour des ressources limitées entre les communautés locales et les chefs de villages déplacés.

Ce soutien est un grand pas vers la reconstruction des moyens de subsistance des personnes déplacées sur le site. Cependant, l'insécurité a brisé leur rêve de rentrer chez eux, puisque des groupes extrémistes violents se sont installés sur leurs terres après leur départ. Seuls quelques kilomètres les séparent de leur ancienne vie, mais celle-ci semble si lointaine et inaccessible.

"Avant les inondations, il y avait des attaques intermittentes de groupes armés, mais nous avons tenu bon. Nous sommes restés parce que toute notre vie était là. Mais depuis que nous sommes partis, nous ne pensons pas y retourner car les inondations ne s'arrêtent pas et l'insécurité y règne. C'est très isolé et dangereux", dit Boulama.

Alors qu'ils s'installent lentement sur le site, le groupe rêve de récupérer les infrastructures qu'ils ont laissées derrière eux.

"Nous avions de nombreuses activités. Nous faisions de la pêche, de l'élevage et de l'agriculture. Nous avions toutes les infrastructures nécessaires, un centre de santé, une école primaire, un jardin d'enfants, notre radio communautaire, la mairie, et même un centre de formation pour les jeunes. Il y avait aussi un marché. C'était un quartier vivant. Notre plus grand rêve est de retrouver toutes ces infrastructures", ajoute-t-il.

L'école primaire du site de Gueskerou pour les personnes déplacées à Diffa. OIM/Aïssatou SY

Actuellement, les seules commodités sociales disponibles sur le site sont un centre de santé surpeuplé et une école constituée essentiellement de classes d'urgence.

Malgré tout, la communauté reste résiliente. Les déplacés continuent de s'efforcer d'avoir une vie meilleure, malgré les divers défis auxquels ils sont confrontés.

L'éducation des enfants sur le site n'est pas interrompue, les femmes continuent à faire du petit commerce sur les marchés hebdomadaires, les plus âgés s’occupent des fermes dans les zones inondées, tandis que les jeunes hommes vont pêcher.  – Tout cela en faisant face au risque d'attaques de groupes extrémistes violents.

La route nationale 1 sur le chemin du site de Gueskerou pour les personnes déplacées. OIM/Aïssatou SY

"Les jeunes vont à la pêche. Ils retournent dans nos villages d'origine, à la rivière Komadougou Yobé ; ils y vont le matin et reviennent le soir. Ils disent qu'ils doivent gagner leur vie même s'ils risquent la mort. Nous aussi nous avons peur quand ils partent, nous avons peur qu'ils ne reviennent jamais", dit Boulama.

Malgré cette situation, Boulama et les habitants du site de Gueskerou ont de grands espoirs.

"Nous prions pour le développement économique de ce site. Nous rêvons de marchés avec de nombreux commerçants, notamment des femmes, pour relancer l'économie. Nous avons obtenu un terrain à proximité de ce site, au nord, dans une zone plus sûre. Nous espérons aussi y avoir de l'eau pour pouvoir irriguer nos terres agricoles. Nous voulons retrouver la vie que nous avions avant", conclut Boulama.

Le système d'eau et le forage ont été construits dans le cadre du Programme de cohésion communautaire au Niger (PCCN) de l'OIM, avec le financement du Service des instruments de politique étrangère (FPI) de la Commission européenne. Le PCCN vise à accroître la cohésion et la résilience des communautés face aux conflits, à l'insécurité et aux menaces des organisations extrémistes violentes, et à renforcer la confiance des communautés dans les autorités locales et les structures étatiques.

Article rédigé par Aïssatou SY, responsable de l'information publique à l'OIM Niger.

SDG 10 - INÉGALITÉS RÉDUITES