Histoire
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  • Aïssatou SY | Responsable de l'information publique à l'OIM Niger

Zinder (Niger) – Dans le paysage aride de Zinder, une région située au centre-est du Niger, une histoire de résilience et de transformation prend forme. Celle-ci témoigne du courage, de la compassion et d'un engagement ferme en faveur de la justice. Face à un défi majeur – la prévalence de la traite des femmes et des enfants – une initiative appelée COMPASS offre un soutien indispensable aux victimes de la traite.

Un travailleur social s'occupe d'un enfant dans un centre pour victimes de la traite. Photo : OIM/Alexander Bee

La traite des êtres humains au Niger est un fléau complexe qui s'explique par le manque d'opportunités socio-économiques, obligeant les individus à emprunter des parcours migratoires dangereux. Sans compter que les pratiques sociales et culturelles contribuent à ce fléau en exerçant une pression écrasante sur les jeunes pour qu'ils subviennent aux besoins de leur famille, banalisant ainsi ces pratiques au lieu de les reconnaître comme des crimes. Le manque d'éducation et d'opportunités entrave encore davantage les efforts de sensibilisation et de prévention de la traite.

Ramatou Laouali, assistante à la protection au sous-bureau de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) à Zinder, apporte des explications sur les raisons de ces migrations.

« Le contexte culturel et les difficultés économiques auxquelles sont confrontées les familles poussent les mères à chercher des débouchés ailleurs pour leurs enfants. L'espoir est qu'en trouvant un travail d'aide domestique dans d'autres régions ou pays comme l'Algérie ou la Libye, elles pourront envoyer de l'argent au pays pour subvenir aux besoins de leur famille », explique-t-elle.

Mais la réalité n'est souvent pas à la hauteur de ces attentes.

« Ces enfants, partis vers l'inconnu, se retrouvent abandonnés et vulnérables face aux réseaux impitoyables de trafiquants. Nombre d'entre eux sont contraints à la mendicité ou forcés à entrer dans le monde cruel de la prostitution, en particulier les filles qui sont les plus exposées au risque de devenir des cibles, tandis que les garçons risquent davantage d'être victimes de l'exploitation du travail, comme le montre notre récente étude sur la traite des êtres humains au Niger. En Algérie, un sort particulier leur est réservé. Couverts de sucre ou de miel, les enfants sont envoyés dans les rues pour mendier. Les mouches, attirées par ces substances collantes, les enveloppent, donnant l'illusion d'une maladie grave. C'est un stratagème désespéré pour attirer la sympathie des passants, qui pourraient leur apporter une once de soutien », ajoute-t-elle.

Une double approche de réintégration des enfants victimes de la traite et de leurs parents est utilisée. Elle implique une réintégration éducative pour les enfants et un soutien aux mères pour qu'elles créent leur propre entreprise. Photo : OIM/Alexander

Toutefois, l'histoire ne s'arrête pas là. L'OIM a pris les devants, joignant ses forces à celles des autorités locales pour mettre en place une réponse multiforme afin de faire face à cette crise. Lorsqu'ils sont interceptés par la police, ces enfants vulnérables sont rapidement retirés de la rue et trouvent du réconfort au sein du Centre d'accueil pour les victimes de traite du Niger, une fois de retour dans le pays. Inauguré en juillet 2019, ce centre témoigne de l'engagement indéfectible du Niger dans la lutte contre la traite des personnes. Géré par l'Agence nationale de lutte contre la traite des personnes et le trafic illicite de migrants (ANLTP/TIM) avec le soutien de l'OIM depuis son lancement, il sert de bouée de sauvetage pour les victimes.

Alhassane Hamidou, chargé de la communication et des relations publiques de l'ANLTP/TIM, souligne l'engagement du Niger dans la lutte contre toutes les formes de criminalité transnationale organisée.

« En créant des structures de lutte contre la traite des êtres humains dans son cadre juridique, notamment l'Agence nationale de lutte contre la traite des personnes, le Niger a fait preuve de son engagement à protéger les personnes vulnérables et à rendre justice aux victimes », déclare Alhassane.

Des travailleurs sociaux dévoués font participer les enfants à diverses activités récréatives au centre pour les victimes de la traite, favorisant ainsi un environnement stimulant. Photo : OIM/Alexander Bee

Dans l'enceinte du centre, les victimes de traite bénéficient d'une gamme complète de services de soutien. À leur arrivée, chaque personne est enregistrée et fait l'objet d'entretiens personnalisés afin d'identifier les vulnérabilités et les besoins spécifiques de chacun. Les travailleurs sociaux dévoués de l'ANLTP assurent un service vital, y compris une assistance médicale et juridique. Aucun aspect de la guérison et du rétablissement n'est négligé.

Près de 60 % de la population du centre est, notamment, constituée d'enfants cherchant refuge avant d'être réunis avec leur famille. Conscient de l'importance de la normalité et du potentiel du jeu, le centre propose un large éventail d'activités récréatives. Des séances de lecture passionnantes, des jeux stimulants et des activités sportives offrent à ces jeunes âmes des moments de répit qui leur permettent de redécouvrir la joie et l'innocence qui leur ont souvent été volées.

"Les personnes qui arrivent dans ce centre sont dans un état de détresse important, et ces activités leur permettent de retrouver une vie normale et d'oublier ce qu'elles ont enduré en chemin", explique Alhassane Hamadou Maiga, travailleur social au Centre d'accueil pour les victimes de traite des êtres humains.

L'initiative COMPASS, soutenue par le ministère néerlandais du Commerce extérieur et de la Coopération au développement, joue un rôle essentiel dans l'autonomisation du centre et le renforcement des capacités du personnel de l'ANLTP. Grâce à des programmes de formation complets, le personnel dévoué a également développé ses compétences en matière de soins aux victimes de traite et de gestion efficace du centre. De plus, l'OIM contribue activement aux opérations du centre, en veillant à ce que les ressources essentielles telles que la nourriture, l'assistance médicale et les articles non alimentaires essentiels soient facilement disponibles.

Les victimes de la traite bénéficient d'une gamme complète de services de soutien. Dès son arrivée, chaque individu est enregistré et fait l'objet d'entretiens personnalisés afin d'identifier ses vulnérabilités et ses besoins spécifiques.

Mais le voyage ne s'achève pas au centre. Les travailleurs sociaux de l'ANLTP et de l'OIM se lancent dans une mission cruciale de réunification des familles. S'aventurant dans les communautés, ils travaillent sans relâche pour identifier les parents et les rassurer sur le bien-être de leurs enfants. Cette approche pratique est complétée par des sessions de sensibilisation à l'échelle de la communauté, visant à éduquer les dirigeants, les chefs de village et tous les représentants de la communauté sur les dangers et les effets néfastes de la traite. Ensemble, ils s'efforcent de créer un front uni contre ce crime odieux.

A mesure que les victimes de la traite regagnent leurs communautés d'origine, l'OIM reste fidèle à son engagement de faciliter leur réintégration socio-économique. Une assistance complète est apportée aux populations vulnérables afin de leur donner les moyens d'agir et de s'attaquer aux causes profondes qui les ont poussées à migrer. Dans le cadre d'une double approche, les parents sont aidés à développer des activités économiques durables, ce qui réduit la nécessité d'envoyer leurs enfants au loin. Parallèlement, des efforts sont déployés pour garantir l'accès à l'éducation, en soutenant l'inscription des enfants dans les écoles et en fournissant du matériel essentiel tel que des crayons, des stylos et des vêtements.

Des programmes de mentorat et de tutorat ont été mis en place pour aider les enfants à mieux réussir à l'école. Photo : OIM/Alexander Bee

Depuis 2021, l'initiative COMPASS est devenue une lueur d’espoir pour plus de 1 000 migrants, leur offrant une chance d'avoir un avenir meilleur. Le centre pour les victimes de traite a fourni une assistance vitale à 220 victimes de traite en 2022, dont 157 hommes et 63 femmes, parmi lesquels 138 garçons et 58 filles. Sur ces 220 personnes, 28 ont reçu un soutien essentiel pour leur réintégration socio-économique, ce qui témoigne du pouvoir de la compassion et de l'action collective. L'initiative COMPASS ouvre la voie à la guérison, à la justice et à un avenir plus prometteur.

SDG 10 - INÉGALITÉS RÉDUITES