Véronique Raissa est une chimiste camerounaise de 32 ans, mère de deux enfants. Elle s’installe dans la ville d'Agadez en 2019. Quelques mois plus tard, elle monte une savonnerie locale avec son frère aîné Jean-Marc Joël, dans le quartier de l'aéroport de la ville d'Agadez.

Le salon dans leur maison de trois pièces qu'ils partagent est transformé en laboratoire. Des seaux gradués, des fûts de 100 litres, des spatules en plastique, une balance et un rouleau en plastique sont posés sur le sol. Dans cet atelier, Véronique fabrique de l'eau de javel, du savon liquide et du vinaigre.

Cette entreprise locale de savon est née lorsque Véronique s'est retrouvée bloquée à Agadez après un voyage migratoire périlleux.

« Je suis arrivée à Agadez il y a trois ans. J'étais en Algérie et j'essayais de rejoindre mon grand frère Joël qui était alors au Maroc. Mais, le projet migratoire ayant échoué, je me suis retrouvée ici. Je ne pouvais pas rentrer au Cameroun car j'avais tout vendu et je ne pouvais pas rentrer les mains vides. Je suis donc restée à Agadez, » explique Véronique.

À Agadez, Véronique remarque que les produits ménagers tels que le savon liquide et l'eau de Javel étaient importés. Elle relève donc le défi de fabriquer ces produits ménagers localement.

« J'ai parlé de ce projet à mon frère Joël, et il a pensé que c'était une idée brillante et que cette activité pourrait nous rendre riches. C'était une si bonne idée qu'il a décidé de quitter le Maroc pour me rejoindre à Agadez et me soutenir dans la mise en œuvre de ce projet, » ajoute Véronique.

Cependant, la fratrie ne dispose pas des ressources financières et matérielles pour démarrer cette activité.

Ils décident de rédiger ensemble des notes conceptuelles et des propositions sur la fabrication de produits ménagers, qu'ils soumettent ensuite à des organisations basées à Agadez pour la recherche de fonds.

Par hasard, le programme de stabilisation communautaire de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) lance durant la même période un appel à proposition via le Conseil régional d'Agadez pour soutenir les jeunes dans la création de leur entreprise. Financé par le Fonds des Nations Unies pour la consolidation de la paix au Niger (PBF), dans le cadre du projet « Comprendre et traiter les facteurs de conflit le long des routes migratoires dans la région d'Agadez ». Le programme a pour objectif de soutenir les activités des jeunes et des femmes vulnérables afin de les aider à subvenir à leurs besoins.

La candidature de Véronique est sélectionnée. Avec 19 autres jeunes, elle reçoit une formation en entrepreneuriat au Centre Incubateur des Petites et Moyennes Entreprises (CIPMEN) d'Agadez. Pendant la formation, Véronique partage avec les jeunes entrepreneurs son expérience et ses techniques de fabrication de produits ménagers et de vinaigre. A l'issue de la formation, elle bénéficie d'un appui matériel et financier d'une valeur d'un million de CFA pour démarrer son projet de savonnerie.

 

"Aujourd'hui, nous arrivons à vendre nos produits dans les différents services de travail et ONG d'Agadez. Nous vendons aux hôtels et de nombreuses boutiques acceptent de vendre nos produits. Nos produits sont également transportés à Tchirozerine, où trois boutiques les vendent. Nous gagnons environ 25 000 CFA (41 dollars) par semaine et une moyenne de 120 000 CFA (197 dollars) par mois", explique Véronique. "Notre ambition est d'approvisionner Arlit, ainsi que les autres régions du Niger", ajoute-t-elle.

Véronique estime également que cette initiative contribue à la cohésion sociale dans la ville d'Agadez, où les communautés hôtes ont toujours été très accueillantes envers les migrants et apprennent à vivre ensemble.

"Lorsque nous sommes arrivés il y a trois ans, nous avons été bien accueillis par la population locale. Et notre première maison nous a été louée par une dame d'Agadez. Nos voisins nous ont intégrés dans la communauté et nous ont soutenus tout au long de la réalisation de ce projet. Et ce sont eux qui testent nos produits en premier et nous donnent un retour sur la qualité", explique Véronique. "Nous sommes impatients de grandir et de contribuer à l'économie locale avec notre entreprise", conclut-elle.